J’ai lu pour vous Pourquoi nous ne dormons pas ? de Darian Leader, Editions Albin Michel
Voilà un livre qui déconstruit courageusement une série d’injonctions dans le domaine du sommeil comme celle de devoir dormir huit heures d’une traite pour être qualifié de bonne dormeuse ou de bon dormeur ou pour être en bonne santé physique et psychique.
Déconstruire les normes
Ce psychanalyste londonien interroge les normes, les constructions culturelles et sociales qui ont fait du sommeil un problème de société et engendré les réponses marketing qui s’ensuivent. Pour cela, il s’appuie non seulement sur les dernières études scientifiques mais aussi sur l’anthropologie, l’histoire, la psychologie cognitive et la littérature. Il s’attaque à tout ce qui nous donnerait du prêt-à-penser quand on aborde la question du sommeil et souligne à quel point celui-ci reste un champ dans lequel s’exprime avant tout notre singularité.
Le sommeil biphasique
J’y ai par exemple découvert que jusqu’au XIX ème siècle le sommeil humain était biphasique selon les travaux de l’historien Roger Ekirch. Couchés vers 21H00 ou 22 heures, les gens dormaient jusqu’à minuit ou 1 heure du matin, pendant une heure ou deux, puis, vivaient un intermède propice à des menus travaux ou consacré aux rapports sexuels, à des réflexions sur les rêves, et, ensuite, ils retournaient se coucher jusqu’au matin. Et cette pratique a été relevée dans différentes cultures où on distinguait un premier et un second sommeil. Le changement s’est fait progressivement avec la généralisation de l’éclairage nocturne et les avancées technologiques qui ont permis des couchers de plus en plus tardifs. » Avec la révolution industrielle, le sommeil est de moins en moins cet espace précieux de renouvellement, spirituel, personnel, et de plus en plus un temps consistant surtout à … ne pas être au travail. »
Quand le sommeil vire à l’obsession
Les chapitres autour du rêve, des liens entre sommeil et langage ou sommeil et mémoire rapportent des études de cas, des faits et des conclusions plus attendus et faisant référence à la discipline de prédilection de l’auteur. Néanmoins, si vous n’avez pas lu d’autres essais sur le sujet, il pointe de façon très claire les dialectiques dans lesquelles s’enferrent ceux qui cherchent à tout prix à solutionner leur insomnie, en en faisant l’origine de tous leurs maux.
» Dans plusieurs cas, le sommeil en vient souvent à incarner l’objet du désir, et pas pour sa valeur en soi mais simplement parce qu’il est devenu inaccessible. Plus l’insomniaque cherche le sommeil, semaine après semaine, mois après mois, plus tout dans son existence semble y renvoyer, cependant que ses consultations auprès des médecins et des psychologues font du sommeil l’unique objectif de sa vie. » Les thérapeutes connaissent très bien ces cercles vicieux. L’hypnose – le mot vient du grec ancien et signifie sommeil – peut être une indication pour découvrir d’autres perspectives. Hypnose Thérapeutique
Il faut que quelque chose d’autre prenne la place du sommeil.
On peut réapprendre à dormir si on l’envisage comme un art ou comme un jeu.
» Comme les fidèles, dans les mystères dionysiaques, invoquent le dieu en mimant les scènes de sa vie, j’appelle la visitation du sommeil en imitant le souffle du dormeur et sa posture. Il y a un moment où le sommeil vient, il se pose sur cette imitation de lui-même que je lui proposais, je réussis à devenir ce que je feignais d’être. » Maurice Merleau-Ponty
Nous organisons des groupes de femmes autour de la question du sommeil pour élargir nos perspectives en vue d’améliorer la qualité de notre repos.